Ma vérité pure

Je suis dépendante de l'affection de mes enfants. C'est viscéral. Je ne saurais exister en dehors de cet amour sans condition pour Noémi. Comment envisager d'arrêter de l'aimer? C'est inconcevable, organiquement impossible, contraire à la vie, cheminer a contrario de ma joie. Ce serait m'engager dans une démarche mortifère, à détruire en moi la mère que j'ai été parce que ma fille la condamne et que son jugement m'importe. Ce que j'ai été comme mère, avec coeur et en renouvellement constant de nos rapports affectifs, cette mère que j'ai tâché d'améliorer jour après jour, depuis sa naissance, la somme de ce que je suis aujourd'hui, elle crache dessus. Je la quitte, abasourdie, incrédule, fuyant de honte, de peur et d'incompréhension.

Cette mère-là, entière, sincère, authentique ne trouve pas grâce à ses yeux.

Par-dessus tout, comme artiste, l'incarnation du mal sur terre pour les complotistes, je suis faite à perpète! Me voilà donc aux prises avec un drame mère-fille digne d'un mythe que je dois taire pour épargner Noémi qui m'interdit de le raconter. C'est ça ma toute personnelle fin du monde. (dixit MRivard).

Par égard pour ma fille, j'ai l'obligation de taire cette histoire qui m'arrache les entrailles, me triture lentement l'égo à la vitesse d'un supplice chinois! Dramaturge pour la jeunesse, j'écris sur internet des pièces de théâtre et de cirque. J'invente des histoires, c'est mon métier. Mais celle-là est censurée. Il y aurait tant de récits à en tirer pour comprendre la leçon, tant à dire pour continuer à leur parler, mes beaux enfants, à leur exprimer mon amour inébranlable, à chanter pour raconter ce qui s'est vraiment passé à mes chéris devenus grand. Comment leur raconter avec bienveillance l'histoire de leurs parents?

Comment leur raconter que, dans l'histoire, leur mère aime le méchant? Comment m'adresser sans mentir à mes petits-enfants quand il faut taire que leur père, c'est lui le méchant. Que la grand-mère est une victime, comme leur mère, comme eux dans cette histoire. Comme celle d'Hantzel et Gretel. Comment ne pas dire que leur mère a l'esprit instable qu'elle soigne. Comment les rejoindre sans blesser la seule personne à laquelle ces petits se raccrochent quand la peur les tenaille, quand les fureurs du père les paralysent. Comment vais-je leur expliquer cela, le jour où je les retrouverai?

Si je les avais devant moi, comment ne leur dirais-je pas que leur mère malade croit que le méchant, avec l'aide d'hachem, va se transformer en bon papa.

Écrire a contrario, ce sera le moteur de MBMBA (2020). J'ai pour tâche de ne pas raconter cette histoire mais de me servir des émotions et des drames qu'elle agite en moi pour écrire 
une autre histoire, une comédie comme travail de transposition de la tragédie qui m'habite.   Donc, ce sera l'histoire de tous les tours de passe-passe de la grand-mère pour dire la 
vérité pure aux enfants tout en déjouant leur mère folle qui croit que le méchant est un bon.  

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