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Version du 21 mai 2018 à 15:09
Scène précédente -> La louve du C3S contre-attaque
TEMPS ET LIEU
Dans une forêt sombre.
PERSONNAGES
Baucis: une femme très âgée recrée en forêt les gestes du quotidien afin d'adoucir les derniers jours de cet homme tendre qui reste auprès d'elle.
- Philémon: un homme très âgé entretient la flamme d'un feu de camp afin garder au chaud cette femme douce qui ne part jamais.
- Jôve: Père des dieux;
- Hermès: Dieu des voyageurs, fils de Jôve.
FABLE
Un vieux couple vivant en forêt dans un extrême dépouillement, accueille avec décorum des voyageurs égarés. Leçon de savoir-vivre à l'intention des petits, rituel de bienvenue de l'étranger, de tout humain de passage dans nos vies.
SYNOPSIS
Un couple âgé vit dans une cabane en surplomb d'une vallée où un village cossu est niché. Décharnés, courbés et tremblants, l'homme et la femme accomplissent les gestes du quotidien à répétition, pris dans l'engrenage de leurs mémoires défaillantes. Comme des automates dont on aurait bloqué le mécanisme, ils enchaînent les mêmes gestes, reprenant du début leur routine. Lorsque le vieil homme aperçoit des étrangers montant la colline, il est pris d'angoisse, doute de savoir encore les bons gestes, les égards envers la visite rare.
TEXTE
EXTRAIT #1 - Protocole de bienvenue
La chaumière de Philémon et Baucis, en Phrygie. L'unique pièce est meublée humblement avec une table (une planche sur tréteaux), deux tabourets et un petit banc. Quelques cruches, chaudrons de cuivre et de terre cuite sont posés sur une tablette ou sur le plancher près d'un âtre en briques, à d., dans lequel un feu de bois est allumé, un soupière mijote, alors qu'un contenant de farine complète l'ameublement de la pièce. À droite et à gauche, deux portes mènent au jardin. Baucis apparaît, un pot d'olives ouvert dans les mains.
BAUCIS, appelant
Viens ici, mon Philémon! (Entrée de Philémon, à droite). Regarde dans la jarre à olives.
PHILÉMON, piquant du nez dans la jarre
Malheur, ma chère femme! Je n'en vois plus que vingt.
BAUCIS, rangeant la cruche sur la tablette et ouvrant le couvercle de la farine.
Et dans le coffret de farine, / Reste de quoi faire tout au plus un repas. / (fermant le couvercle; tristement.) / Et tout le vin qui a tourné! / Ne reste plus qu'un cruchon de ce millésime / approche la tablette aux jarres, à l'arrière centre, et pointant l'une d'elles. / Que je voulais garder en réserve / Avec un peu de chance, / pour un jour.. après… tout le reste. / venant à l'avant-scène, suivie de Philémon / Comment espérer nous refaire / quand l'hiver recouvre déjà notre toit / D'un manteau de neige, / Et que le vent froid souffle / Refroidit nos vieux os, / Que notre grenier est vide, / Que la famine seule s'annonce en visite / Bien avant que l'été généreux / Ne ramène fruits doux et vin / Et semences ensoleillées? /
PHILÉMON, s'assoyant au tabouret près de la table).
Oh, malheur, ma Baucis! / En cinquante ans de vie commune / Malgré notre grande pauvreté / Jamais nous n'avons ressenti le pincement de la faim. / (secouant la tête tristement) / Jamais, depuis que j'ai mené à ma porte / Cette jeune mariée de vingt printemps, / Nous n'avons été dans un tel besoin. / Pauvre de moi! Nous voilà bien vieux. / Mais bien qu'avancés en âge, / Par amour, s'il le faut, / Auprès de nos voisins prospères, / J'irai quêter le pain.
BAUCIS, catégoriquement
Jamais, Philémon! Plutôt mourir / Que de mendier auprès de voisins si peu accueillants! / Cléon, dont quatre-vingts moutons vont en pâturage, / Elle va à la porte, tandis qu'elle parle, indique de la main le village au loin. / Résiste tant à l'idée de garder son vieux grand-père, / Qu'il l'envoie quêter sa croûte de pain et son bol de bouillon; / (se tournant) / Et Lysias qui aime tant caresser son or, / Il ne donnera pas à sa mère, vieille et courbée, / Assez pour acheter la laine, / Ou les brins les plus épais pour se fabriquer une mante. / Et Philo, dans sa grange, qui récolte le maïs comme pas un, / Si un mendiant passe et quémande un croûton, / Ne donnera pas une miette. (approchant de Philémon en parlant.) / Nenni, mon Philémon, jamais je ne ramperai de la sorte! / Plutôt laisser la faim me creuser une tombe. /
PHILÉMON, secouant la tête tristement.
Bien, bien, bien. Que de minces consolations! / Mais j'implore les dieux que jamais / D'une manière ou d'une autre, / Nous n'ayons à faire souffrir notre vieille oie grise, / Sinon je jure, plutôt mourir de faim! / Que de toucher un seul os de sa carcasse. / Comme je voudrais que les dieux nous visitent / Et comblent notre débarras de leurs largesses. /
BAUCIS
Je ne pleurerai pas. / Je n'ai pas de temps pour les larmes. / N'avons-nous pas vécu dans la joie depuis cinquante ans? (Place ses bras autour de Philémon et l'embrasse. On entend le bruit de cris lointains.) / Mais prête l'oreille, et dis-moi, / N'entends-tu pas une clameur monter du chemin? / Le butin de Lysias découvert / Penses-tu qu'un voleur s'y risquerait / Quand il promet, s'il l'attrape, de le battre à mort? (Comme elle parle, elle saisit le balai et commence à balayer le plancher).
PHILÉMON, se lève
Je vais balayer le pas de la porte. / Peut-être mes vieux yeux ne manqueront pas d'apprendre / Pourquoi tout ce chahut et cette clameur couvrent le village. (Il va à la porte, à d., et regarde dehors, faisant ombrage à ses yeux d'une main.) / Comment? J'aperçois seulement deux étrangers / Se tenant près de l'arbre / Devant la maison de Cléon; / Alors que l'air se remplit de cris, / Que les enfants accourent, / Et poussent le troupeau de chèvres affamées / Au devant de la foule, / Remplissent les rues de poussière. (Pendant que Philémon parle, Baucis fait une pause, reprend son travail et écoute plus attentivement.) / Les étrangers demandent l'aumône, / Mais Cléon se tient devant sa porte / Le visage dur et les mains vides. Ainsi. (Il prend la pause.) / Ils vont maintenant à la maison de Lysias, / À côté de la maison de Cléon. / Lysias ouvre grand sa porte / - et à leur face secoue son personnel - / Il croit avoir affaire à des voleurs. / Là la foule s'esclaffe. Et bat des mains. / Bocage inhospitalier! /
BAUCIS,laissant tomber le balai et regardant au delà de la porte
Village sans cœur!
PHILÉMON,pointant
Regarde, ils quêtent à nouveau à la clôture de Philo / - mais ils devront attendre le proton-minet / Tout ce qui importe, à Philo / Est de vérifier, comme l'avare, son maïs, (Baucis lève le balai et recommence à balayer.) / De compter chaque jour ses sacs, / De peur qu'un seul ne lui soit volé. /
BAUCIS
Et maintenant où vont-ils?
PHILÉMON
Toujours de maison en maison. / Et encore ils sont repoussés. / Et l'épouse au visage hypocrite de Corystus / Rit à leur face. /
BAUCIS, s'appuyant sur le balai
Oh! Honte à toi! (Approchant Philémon.) / Village dénaturé! Mon époux, / S'ils viennent à notre pauvre porte de terre, / Ne donnerions-nous pas le meilleur / de ce que nous possédons?
PHILÉMON, tournant le dos à la porte, à d. il ramasse une jarre
De fait, nos provisions sont petites mais de suite / nous pourrions leur offrir de reposer leur pieds fatigués. / Et laver et dresser devant eux / Autant de viande que nous pouvons offrir. /
BAUCIS, appuyant le balai contre le mur
Sans nul doute ils grimperont jusqu'à notre porte, / Et pour la centième fois / Demanderont nourriture et logis. / Allons donc préparer pour eux / le meilleur de ce que nous avons, / et avec eux partager jusqu'à notre dernier croûton. /
PHILÉMON
Chère femme, ton cœur en cette manière est le mien. / Vite dis-moi comment recevoir / sans même un quignon de pain? (Ouvre ses mains vides).
BAUCIS, faisant signe de la tête
N'aie crainte, ils ne vont pas se précipiter. / D'une manière ou d'une autre, sois certain, / je préparerai un repas / Et si pauvres soient-ils, ils devraient s'y méprendre / tant nous aurons cette cruche de vin. / Viens, amène ici et remplis! Philémon amène la cruche et la place sur la table, Baucis prend un bol de la tablette et la dépose sur la table; Philémon le remplit d'olives. Voici une jarre de nos dernières olives. (Comme elle parle, elle parcourt la pièce cueillant au passage les fruits et légumes qu'elle place ensuite sur la table.) / J'ai aussi un pot de grain de maïs, / Et un peu de fruits sucrés. / Et voici des carottes, mon époux, / À peler aussi, je te prie. / J'apporterai aussi le pain de viande d'hier. Sortie de Baucis, porte à g.
PHILÉMON, assis par terre à peler les légume, grommelle.
Jupiter! Je te remercie pour cette soirée! / Mes problèmes ont calmé mon appétit / Je ne mangerai donc pas mon pain de viande / Ménageant ainsi la meilleure part pour mes hôtes. /
Revient Baucis avec deux petites miches brunes, et trois œufs dans le creux de sa robe, qu'elle a transformé en tablier.
BAUCIS
N'aurions-nous pas un autre œuf? / Vois, mon mari, j'en ai trois. (Montrant les œufs, à regret) / En aurions-nous quatre, un chacun, / je pourrais à l'instant les rôtir dans les cendres. /
PHILÉMON
Notre vielle couveuse glousse encore. (se levant) / Ma Baucis, alors pressons-nous tant que possible / pour chercher un œuf brun bien rond. / Mais d'abord, nous poserons la planche, / et la frotterons proprement avec un linge. /
BAUCIS
Et j'ajoute ces carottes au bouillon.
Elle ajoute les légumes que Philémon a pelés au chaudron sur le feu, pendant qu'il frotte la table, y pose quatre couverts, du pain, des olives et un cruchon de vin. Exit Philémon et Baucis, porte à g). Jove et Hermès approchent alors de la porte, à d., restée entrouverte. Ils cognent, déguisés en mendiants.
JOVE, humblement, de l'extérieur
Ouvrez la porte, bonnes gens, / Remerciez le ciel pour l'abondance, / Et n'oubliez pas les nécessiteux. (Ils attendent à l'extérieur). / Quoi! Encore aucune réponse? / Cognons encore! /
Cognant encore, poussant la porte et se tenant sur le seuil.
HERMÈS, avec indignation
Sont-ce tous des cœurs plus durs que le roc / En ces contrées sans merci? / Je pensais avoir aperçu un homme et une femme en approchant. /
Ils entrent dans la pièce et regardent autour.
JOVE, avec amertume
Ils sont partis d'ici / Comme nous approchions, / Sans doute pour prétendre que personne n'y était, / Et éviter d'avoir à partager les miettes, / ou la moindre grappe pour notre indigence. / Ils apprendront bientôt que nous sommes des dieux déguisés, / Et que nous allons, par nos soins, vagabonds / Pour apprendre les pensées des hommes, / Et éprouver leurs cœurs. / Venez, laissons cette terre inhospitalière. (Prêt à quitter la pièce.)
HERMÈS, retenant Jove par la mante
Reste, grand Jove. Peut-être ton courroux / Trop vite se déchaîne. / Vois! (pointant) Cette table est mise. / Pour quatre, et voici des olives, du vin et du pain. / Peut-être est-ce un vieux couple / qui ont fait de leur mieux pour nous accueillir. / Attendons encore ici un peu.
JOVE, se ravisant
S'il en est ainsi / Je récompenserai généreusement. / Mais aucune pitié ne sera faite à ce village cruel. (pointant la porte.) / Où ils nous ont refusé jusqu'aux miettes, / et interdit leurs portes. / Pour ne pas effrayer ces braves gens, / À leur retour, quand ils nous verront debout ici, / comme des voleurs, allons attendre près des buissons / là-bas qu'ils reviennent. / Alors nous cognerons encore à la barrière, / Et quémanderont l'aumône; / Ainsi, nous pourrons mieux juger de leur bon cœur.
HERMÈS
Exécutons-nous, grand Jove.
Exit Jove et Hermès, à d.) Entrant par l'autre porte, Philémon et Baucis. Philémon apporte un œuf et une combe de miel.
BAUCIS
As-tu l'œuf?
PHILÉMON
Je l'ai ici, sain et sauf. (Donne l'œuf à Baucis.) / Et vois, ma Baucis, vois ce que j'ai trouvé / Une combe de miel d'Hymettus dans les réserves d'hiver. (Montre la combe à Baucis.)
BAUCIS, plaçant les œufs dans les cendres de l'âtre
Place-le sur la planche. / Nos invités ne partiront pas affamés. Il soulève une assiette de la tablette, place la combe de miel dessus, et pose le tout sur la table.
PHILÉMON
Je jure - je rougis presque d'offrir une si modeste nourriture. (Prend sur la tablette, bol à soupe et cuillers de bois, et les place sur la table tandis que Baucis parle.) / Avant ces étrangers. Quarante printemps / Ont passé depuis la dernière fois / où nous avons joué à l'Hôte et à l'Hôtesse. (Baucis ajoute une bûche au feu et brasse la chaudronnée.) / Te souviens-tu quand ton cousin est venu, / Ploutos de Troie, n'était-ce pas son nom? / J'ai été si décontenancé, / je ne savais que dire, / quelles manières prendre, / je n'ai pas même serré sa main. / (Pause) / Dis-moi, ma Baucis, dis-moi, je t'en prie, / quand nos invités apparaîtront, / comment dois-je les accueillir? / Je ne voudrais pas qu'ils viennent / et me croient sans manières. / À me tenir imbécile , ou gauche dans ma propre misère. / Je veux pour nos invités / afficher fièrement notre condition.
BAUCIS, se levant de terre et prenant place sur un tabouret.
Quand ils passeront la porte, dresse-toi (se lève et marche avec dignité à la porte) / imposant, tel qu'un hôte se doit, / Tire le verrou de la porte (ouvre la porte) et crie : / "Bienvenue, étrangers venus de loin."
PHILÉMON, l'interrompt, se gratte le crâne, perplexe.
Ohé, c'est très bien, mais s'ils viennent / de moins loin que vingt stades, / ou si leur maison s'érige en Ilium, / et que nous les accueillons de la sorte, / quel rustre sans grâce penseront-ils que nous sommes! / Aurions-nous l'air idiot / Si nous découvrons qu'ils demeurent / Derrière le sommet de cette colline là.
BAUCIS, réfléchissant.
C'est vrai, c'est vrai. (Ferme la porte, et rejoint Philémon). / Bien. Et si nous les accueillions ainsi: / "Bienvenue à vous qui venez de dieu sait où." /
PHILÉMON, secouant la tête.
Nan, nous aurions l'air soupçonneux. / Par Zeus, je me connais! / J'aurais les oreilles qui bourdonnent / pendant une semaine d'une telle formule. / Non, ma femme, nous devons chercher / une tournure plus gracieuse. (Se claquant la cuisse.) / Par l'Olympe! Voici une bonne facon. / Nous clamerons: "Bienvenue, bienvenue, bienvenue!" / Par trois fois.
BAUCIS, satisfaite.
Fort bien, mon mari. / Et nous leur crierons dans les oreilles de nos voix fortes; / Pour celui qui est vieux et sourd sans doute. (nerveusement) / Mais avant qu'ils viennent, mon Philémon, / veux-tu te tenir près de la porte / et jouer l'invité tandis que je répète le rôle de l'hôtesse, / Voir si je m'en rappelle. /
PHILÉMON
Avec tout mon cœur, mon cœur. (il sort par la porte, la referme, cogne fort et entre.) Me voilà. Je dis, me voilà. /
BAUCIS, qui s'était préparée à l'accueillir avec grandeur, est saisie par son entrée improvisée.
Nan, nan, ta façon d'entrer est trop rapide, / Un invité patienterait un temps / Que son bon hôte l'invite à entrer. /
PHILÉMON, patiemment
Bon, je feindrai l'invité à nouveau, / Et cognerai encore à la porte. / Mais dis-moi d'abord combien de temps / il me faudra attendre.
BAUCIS, après réflexion
Pourquoi n'attendrais-tu pas le temps qu'il faut à … / à un homme pour compter jusqu'à dix. (Tandis que Baucis parle, Philémon écoute attentivement, et compte sur ses doigts.) Ensuite, tu entres, salues amicalement, / M'offres le bonjour, sers chaleureusement ma main (il lui serre la main). / Invoques le jour heureux qui m'a vu naître. (A grands gestes).
PHILÉMON, perplexe, et se grattant la tête.
Arrête, arrête, ma femme, / mon esprit n'en contiendra pas plus. (Exit Philémon, porte à d. Il referme la porte et cogne fort de l'extérieur.)
BAUCIS, se levant et marchant à la porte d'une manière édifiante.
Qui va là?
PHILÉMON, à l'extérieur, compte avec application.
Un, deux, trois, quatre.
BAUCIS, ouvrant la porte à demie.
Réponds, mon ami. Que cherches-tu à ma porte?
PHILÉMON, les paupières closes et les doigts dans les oreilles, continue de compter.
Cinq, six.
BAUCIS, dans un fort murmure, le secouant par l'épaule.
Réponds, mon époux!
PHILÉMON, en catastrophe
À moi, ma Baucis, tu as brisé mon décompte, / Maintenant je dois recommencer. (Comptant sur ses doigts) / Un, deux, trois, quatre, cinq, six (levant les yeux) / J'ai oublié. Combien disais-tu? Dix? /
BAUCIS
Non, non, je ne t'ai pas indiqué de compter fort. / Mais d'attendre le temps à l'intérieur duquel un fort compte de dix tiendrait. / Et alors tu montres ton visage dans la porte. / Voilà le conseil que je t'ai donné. /
PHILÉMON, approuvant de la tête avec assurance.
C'est très clair. Je crois, par dieu! /
Exit Philémon. Baucis ferme la porte, se rassoit à la table. Philémon cogne fort à la porte.
BAUCIS, se levant et approchant de la porte d'un pas imposant, et parlant à travers la serrure.
Mon bon ami, que cherches-tu ici? (une longue pause suit durant laquelle elle écoute avec attention).
PHILÉMON, dans un haut murmure, entrebâillant la porte.
Dis-moi, ma Baucis, / est-il temps de pousser ma tête dans la porte? /
BAUCIS
Nan, nan, nan, nan. Tu entres avec effronterie. / Seuls les voleurs forceraient, épieraient / et fouineraient dans la chambre;
PHILÉMON, fortement, avec indignation.
Pourquoi alors voulais-tu que je montre ma face? / Par Jupiter, je t'ai entendue clairement. / En tes propres mots. (se signant) / Bien. Bien. Je cognerai encore. / Comment on dit déjà? "Deux fois si tu tombes, / essaie, essaie encore."
Exit Philémon, fermant la porte derrière lui. Cognant de l'extérieur.
BAUCIS, de l'intérieur
Bienvenue!
PHILÉMON, de l'extérieur, criant.
J'ai bien peur de ne pas entendre à travers les planches.
BAUCIS, plus fort
Bienvenue!
PHILÉMON, de l'extérieur, en toute hâte
Chère femme, nos invités montent le sentier.
BAUCIS
M'entends-tu bien ou dois-je crier plus fort?
PHILÉMON, extérieur, de l'autre bord de la porte
Ils sont avec nous maintenant.
BAUCIS, hurlant presque.
Bienvenue! (Elle ouvre la porte brusquement, le pousse dans l'entrée, essoufflée). Ensuite nous prendrons siège et attendrons.
Philémon et Baucis se précipitent sur leur tabouret, écoutant soudain avec empressement, laissant la porte ouverte. Fin du 1er extrait.
EXTRAIT #2 - Bénédiction des dieux
Même lieu.
HERMÈS, s'approchant
Oh Jupiter, sans nul doute, / Des gens aussi pieux devraient demeurer ici, / Et rester dans la chaleur du confort / jusqu'à la fin de leurs jours. / Mais ce n'est pas tout; Si, bonnes gens, / vous songez à une autre façon de vous récompenser, / parlez, dites-nous votre souhait. /
PHILÉMON, avec humilité et admiration
Votre Grâce, c'est trop nous combler. / Mais nous vous en remercions. /
BAUCIS
Nous ne demandons qu'à vivre en paix . / Près de ce temple et du jardin / Que vous avez imaginés si finement;
PHILÉMON et BAUCIS, ensemble
Et il y a bien un vœu, / grand Jupiter, cher à nos cœurs / Celui de mourir ensemble / et à la même heure. /
PHILÉMON, s'agenouillant
Que jamais je ne vois la tombe de ma Baucis / Ni ne perde sa foi.
BAUCIS, tombe à genoux et joint les mains.
Grand Jupiter, et moi, je prie / Que mon Philémon bien aimé ne meure jamais. /
Jove enjoint Philémon et Baucis de se relever. Ils obéissent.
JOVE
Soit. Tel amour est la Foi des Immortels / Qui efface jusqu'au dernier outrage des ans. / Vous ne périrez donc point / Et resterez verts comme le printemps qui vient / Du plus profond de vos entrailles, / Cette essence éternelle nourrira votre lot. / Vous deviendrez deux tilleul de noble forme; / Et quand l'été posera sur votre fait son voile de respect, / vos branches au port majestueux déploieront / Feuilles lumineuses et fruits en abondance. / Et l'asphodèle pourpre fleurira vos racines, / Tout homme et femme qui viendront à s'étendre / Sous votre feuillage se prosterneront, / Et répéteront la légende de votre compassion / Envers la pauvreté de ces étrangers qui vinrent, / il y a longtemps, quêter à votre porte. /
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