Ange (titre temporaire)
Radio-théâtre - Adaptation sous forme d'extrait de théâtre d'une ancienne nouvelle écrite il y a longtemps.
Synopsis
Note 1 - Morale (énoncée par Jérémy): si vous êtes coincé avec un groupe de survivants dans un pays étranger, surtout, soyez à l'heure. Il y a des rendez-vous dans la vie qu'il ne faut pas manquer. Ce récit est celui d'un rendez-vous raté (moment de rupture, point de tension). Les rendez-vous qu'on ne cesse d'attendre, existent-ils dans un autre univers? (Le rendez-vous, C. Léveillée)
Note 2 - Autre proposition: ce récit pourrait être une transposition d'un conte pour enfant, celui du Roi pas de culotte et de son linge invisible. Un caïd (le chef du clan adolescent) tellement imbu de lui-même, ne perçoit pas tout le ridicule dont il s'entoure. Jusqu'au jour où l'un de ses sbires manquant à l'appel, le roi soit frappé de stupeur.
Note 3 - J'aime l'idée d'une zone invisible, hors connexion. Dans mes notes de lecture, j'ai retenu un thème récurrent dans le dieselpunk: la peur rouge, c'est à dire une peur hystérique collective d'être envahi par les communistes. Peut-on transposer cela, dans notre scène au futur imprécis? Transposé ça par une crainte hystérique des robots? Des machines à vapeur intelligentes qui envahissent leur quotidien, leur travail, leur société? Ça se tient... Ainsi le Cracked Boiler serait réputé "zone invisible", i.e. hors connexion où chaque client est obligé de laisser tout appareil électronique fermé et au vestiaire, sous peine d'expulsion et quand par malheur une alerte internet vient à résonner dans le bar, moment épique où tous se figent pour se tourner vers la malheureuse personne qui devient alors la victime d'une expulsion collective à l'issue irréversiblement fatale.
Dans ce contexte, The Cracked Boiler affiche un art déco typiquement des années '60, cette époque où les robots étaient encore sous le contrôle humain et leur existence vouée à garnir des collections d'objets de luxe pour designer branché. Au moment de la scène, cette peur des robots et des machines modernes devra être signalée d'entrée de jeu et le passage au noir, sera exutoire collectif. Il garantit à sa clientèle une zone exclusivement humaine, invisible et hors de portée de machines. The Cracked Boiler devient donc le repaire d'une génération bigarée, jeune, prête à tout pour préserver l'intégrité de ce repaire sacré. Elle s'y comporte selon une hiérarchie assez rude, soit t'es dans les grâces du roi de la place, Florin, soit t'es out et à la merci des robots. Celui-ci, vindicatif et sadique, se complait dans son pouvoir qu'il exerce sadiquement, sans discernement. Il ne tolère aucun retard, aucune protestation et on lui voue, en échange de sa protection contre la racaille de la place (dont des humanoïdes espions), un dévouement craintif. Du moins en apparence...
D'entrée de scène, le noir est donc le moment rituel où le bar, se préparant à ouvrir ses portes, coupe l'électricité et le wifi pour se brancher à une génératrice hybride à diezel et énergie solaire. Ce moment est signalé par un bruit de moteur à essence qui démarre, tournant d'abord à grands bruits de pompe irréguliers (crachotant), des grincements douteux pour finir par adopter un rythme qui servira de bruit de fond tout au long de la scène.
Ainsi Florin règne-t-il sur ce monde et toute sa vanité, son orgueil et sa parade signalent son emprise, qu'ils sont à préparer un mauvais coup, en mettant plusieurs sur les dents, provoquant agitation, confusion et une tension qui grimpera jusqu'au récit de la mort de Mustang.
Lieu, temps
Londres, quartier des Seven Sisters, dans un bar malfamé The Cracked Boiler, dans un futur figé depuis les années '60. L'espace de jeu (scéno en cordage) confine le house band et l'animateur dans un recoin de la scène. L'espace client du bar se déploie à travers l'espace public qui se trouve immergé dans le jeu. Une autre idée: c'est le trône du caïd qui pourrait être cerné des cordages, magnifié, surdimensionné;
Personnages
L'animateur : Maître de cérémonie de la place, tantôt, il s'adresse au public, cérémonieux, se conformant au programme de la soirée, tantôt, rompant le 4e mur et témoignant de ce qui se passe dans le bar, il camoufle sous des propos sirupeux, des commentaires moqueurs, critiques, complices avec le public pris à témoin.
Florin: roi autoproclamé de la zone invisible (hors connexion), être sadique et abjecte.
Tompson : son bras droit, fieffé menteur, filou de 7e génération, témoin oculaire de la mort de Mustang.
Ashton : un suivant
Mustang (absent) : un aspirant
Clients (figurants) : Lewis et sa compagne Marie, un couple vendeur en masque à gaz| Lust, 17 ans, prostituée | Barmaid
TEXTE
Début au noir. Un fond sonore émerge progressivement évoquant l'univers martelé et des pistons à pression. Des voix, des cris, des rires imprègnent l'ambiance d'une tension ludique, productive et affairée. Puis la voix de l'animateur attire l'attention.
VOIX DE L'ANIMATEUR (voix d'animateur-radio, la nuit, feutrée, caressante, calme): Le temps est brumeux dehors. Tellement brumeux que l'on n'y voit pas ses propres pieds... À donner à personne l'envie de sortir... et pourtant... des ombres rôdent sous les lampadaires, des voix humaines étouffent cris, rires, insultes, des talons claquent, des portes battent, des chiens jappent. Dans cette nuit sans lune, des âmes cherchent l'entrée du bar le plus malfamé de la grande capitale de tous les tziganes du monde, Sofia, The Cracked Boiler, le repaire des peuples du voyage, gitans, rhoms, manouches, gadjos de grand chemin!
C'est donc avec misère que je parvins finalement à entrer dans notre cher repaire: un bar en sous-sol situé dans une région malfamée de la ville, loin des hommes d'affaires en complet sombre, malette en main, loin des grands magasins où les femmes de notables dépensaient de faramineuses sommes pour chopper le parfum à la mode. Ce style d'endroit où ces même citadins auraient probablement hurlé au monstre, à l'assassin, au suicide si par malheur ils y déposaient un pied. Enfin, je divague.
Tout cela pour dire, chers amis, que je venais d'entrer par la petite porte faiblement éclairée, que je m'avançais vers un trône de fortune, un bon vieux fauteuil en cuir aux accoudoirs de bois, un petit air de jazz ajoutant à l'air ambiant une note langoureuse... En m'y déplaçant, je constatais que nombre d'habitués étaient déjà installés à leur place et vaquaient aux affaires louches. Parmi eux, je reconnus Lewis et sa compagne, Marie, petits producteurs de substances illicites qui avaient tout deux retiré leur masque à gaz et sirotaient je ne sais trop quel alcool. D'un bref signe de la main, je retirai mon chapeau pour les saluer et, à leurs tour, ils me rendirent mon salut. Je continuai d'avancer et croisai Lust, une gamine de dix-sept ans qui vend son corps. La petite, en pleurs, portait la marque d'un coup sous l'œil gauche. Un autre client mécontent? Décidément, elle avait le don d'exaspérer les pires salauds. Je la saluai, chapeau à la main. Elle me répondit timidement. Je continuai ma route en savourant l'idée de consoler la pauvre, tout à l'heure. Je finis par arriver devant un podium: MON podium. Je gravis les quelques marches en prenant mon temps, retirant méticuleusement mon manteau, pour prendre confortablement place sur MON fauteuil, MON trône. De ma table, je pouvais obeserver toute a faune et ses bassesses. Je commandîs un whisky au barman tout en attendant l'arrivée de mes trois fidèles acolytes. Seuls se présentèrent Tompson et Ashton. Pas de Mustang en vue.
"Dites donc camarades, leur dis-je, l'un d'entre vous aurait-t'il vu Mustang?"
"Il n'a pas pu venir", répondit Ashton, tout penaud.
"Comment ça il n'a pas pu venir?" Répondis-je. "Pourtant, chers Droogies, vous connaissez bien notre code, surtout la règle 2-37."
Personne n'osa répondre.
"Que ce soit un souci d'avion dont le tapis s'enflamme," poursuivais-je, "le fait que vous vous soyez perdus dans un cabaret rempli de psychopathes avides de chair humaine et d'esprits frappeurs grotesques, ou encore parce que vous faites un rhinocéros de vous, vous devez néanmoins vous pointer dare-dare, à chaque fois que je requiers votre présence. Alors, si l'un de vous connait la raison de son absence, c'est le temps de parler ou jamais!"
"Il s'est fait souffler par une bombe", (répondit Ashton gravement,avec la conscience de raconter quelque chose d'incroyable)"sauf qu'au lieu d'être... comme mort, des ailes lui ont poussé.... hum... comme en haut des épaules, et puis... et puis il s'est envolé..."
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